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vive le roy !

D’un peuple révolté contre sa propre histoire
Et qui ne m’adopta, par un lâche décret,
Que pour faire périr mon droit mieux en secret.

Peuple !
Ce mot encor dans mon discours de rêve !
Peuple, que me veux-tu sans répit et sans trêve !
Peuple, mot doux au fond, caressant, en français…
Redoutable en latin, c’est tout ce que j’en sais :
Populus, populo, chose affreuse apparue !
Ô ces faces, ces cris, ces odeurs de la rue,
Femmes faisant semblant d’être pires encor,
Hommes rouges de vin aux poches pleines d’or,
En haillons, tout en sang sous le soleil horrible
D’un Juin, puis d’un Août plus horrible et terrible
À force de canon, de massacre et de nous,
Roi, Reine, sœur et moi, cernés comme des loups
Par ces fous !
Après le canon, la fusillade,
Et nous nous en allons, la Cour, en enfilade,
Fuyant… Non ! Car mon père était brave surtout,
Ma mère plutôt téméraire, et moi, ce bout
D’homme, hardi comme les pages de ma suite,
Et ce fut un départ et non pas une fuite,
Quoi qu’en aient dit tels pamphlétaires, des bandits !
Et devant Dieu, je suis sûr de ce que je dis,
Devant Dieu seul, car mon sort irrémédiable,
Du moins, de par mon innocence exclut le diable…
Ah ! le Diable, à qui tout ce peuple ne croit plus,
Ce peuple, ah, ce peuple est le Diable, et les Élus