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vive le roy !

On dirait le fantôme encor d’un autre règne !
Et comment voulez-vous qu’un pauvre enfant ne craigne
Pas jusques à l’horreur, jusqu’à la mort de peur
Cette solitude inouïe et sa stupeur !
Simon me maltraitait de geste et de parole.
Toujours, avec sa pipe, un juron qui s’envole
D’une bouche à moustache au sourire mauvais.
Il me faisait sentir ses pieds, que je lavais…
Encor c’était quelqu’un avec ses « républiques »,
Ce Simon de fureur, et ses mots de « principes »,
De Liberté sans quoi la mort, d’Égalité,
De Droits de l’homme et d’Indivisibilité,
Quelqu’un, et non ce lourd linceul de noire haine
Sur moi, ce froid silence et l’injustice humaine,
Enfin, sur un irresponsable comme moi
Des sottises d’un peuple et des fautes d’un roi.
Roi, toujours ce reproche ! et toujours cette injure !
Peuple !
Voilà deux ans que ce supplice dure.
Voyons, Roi, qu’est-ce ? Et qu’est-ce, Peuple ? L’homme au fond,
L’homme et la vie ainsi que les font et défont
L’heure, la place et les événements de l’heure
Et de la place, avec Dieu, là-haut, qui demeure,
Et c’est l’Egalité, non celle de Simon,
Me semble-t-il, à moins pourtant que le démon
Ne soit l’égal de Dieu…
(Désespérément, les yeux au ciel.)
Dès lors, mon Dieu, que croire ?
Abîmes où je perds mon cœur et ma mémoire !