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charles baudelaire

poètes des rimeurs subalternes. L’amour, dans les vers de Ch. Baudelaire, c’est bien l’amour d’un Parisien du XIXe siècle, quelque chose de fiévreux et d’analysé à la fois ; la passion pure s’y mélange de réflexion, et si les nerfs égarent par moment l’intellect, en décuplant l’action des sens, le nescio quid amarum de Lucrèce, qui n’est autre que l’incompressible essor de l’âme vers un idéal toujours reculant, fait entendre sans cesse à l’oreille obsédée son implacable rappel à l’ordre. Me suis-je bien fait comprendre ? Quelques citations élucideront peut-être mieux ma pensée :


SEMPER EADEM


« D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? »
Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal, c’est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse,
Et, bien que votre voix soit douce, taisez vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie,
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.