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souvenirs et promenades

moi au courant des opinions artistiques, littéraires et bimensuelles de Messieurs les rédacteurs des dites publications. Si ma mémoire est bonne, ces critiques éternellement actuels injuriaient le génie, le talent et l’esprit au nom de théories dont, par exemple, je n’ai gardé aucune remembrance, sinon qu’elles provenaient d’une certaine ignorance renforcée d’une mauvaise foi plus certaine encore. Et puis, comme il faut que le plaisant succède au sévère, le grave au doux, et la poésie consolatrice à cette grondeuse, la logique, ces proses graves étaient suivies de jolis vers librement rimes où les bêtes à bon Dieu grimpaient et cabriolaient sur le cou, duveté comme une prune, de maintes mignonnes cousines à une foule de chers petits nononcles. Le tout, proses et vers, mis en œuvre par une si impayable niaiserie que j’y faillis mourir d’aise, comme je viens d’avoir l’honneur de vous le dire.

Dans ce même cabaret je pris une absinthe, puis une autre, puis une troisième, ce qui me donna l’appétit nécessaire pour aller dîner chez un petit journaliste pauvre de mes intimes, qui avait convié quelques-uns de ses confrères les plus éminents, et en même temps tout l’hébétement convenable pour hausser ma folle du logis au niveau de la conversation qui suivit cette agape de l’intelligence.