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souvenirs et promenades

véhicules, de monter sur le trottoir, très bas, il est vrai. Rien de remarquable, en outre, que l’extrême politesse des gens et le commencement de l’accent, non encore du patois, wallon, lui-même mâtiné du langage ardennais français, joli dès Charleville après s’être ressenti du traînement presque parisien de la Marne, ensuite de Reims. Cet accent wallon, je le dis wallon, faute de mieux, cet accent encore tout ardennais-français, sautillant, bref et un peu court, où de l’esprit a ses aises et qui ne fatigue pas l’oreille le moins du monde, où les voyelles s’escamotent volontiers et où certaines consonnes, les T, les D, se prononcent sur les dents, à l’anglaise…

L’endroit où demeurait ma tante est, à trois lieues de Bouillon, un tout petit chef-lieu de canton, Paliseul, dont le nom appartient également à la guerre de 1870, par l’hospitalité toute « compatriotique » qu’y reçurent les malheureux vaincus des 1, 2 et 3 septembre.

Un joli site haut perché, plein de jardins qui corrigent l’âpreté un peu des toits trop uniformément en ardoises… Bon Dieu ! que j’y ai joué, dans le clos de matante, et couru, et gambadé, et lutté, principalement avec un gamin de mon âge, un futur séminariste, aujourd’hui curé dans les environs, un fin lettré, un digne homme, que je regrette bien que la vie, bête et dure, ne