Page:Verlaine - Œuvres posthumes, Messein, II.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
souvenirs et promenades

mille et, lors de nos passages annuels à Bouillon, nous manquions rarement de nous arrêter au presbytère. À cette occasion, le vénérable prêtre invitait quelques-uns de ses confrères, tous bons convives et saintes gens toutes simples… Parfois il nous menait, dans son modeste char à bancs, à quelques kilomètres de là, au « château de Carlsbourg, » qui avait appartenu à ma tante de Paliseul et que celle-ci, dès veuve, avait vendu, comme infiniment trop grand pour elle et son train forcément restreint, à la Congrégation des Ecoles chrétiennes, dits Frères Ignoratins, braves gens, modestes et infatigables instituteurs des pauvres et qui remplissent à présent plus que jamais le monde entier de leurs bienfaits. Ce château, actuellement utilisé comme collège, est un très important bâtiment, le classique château à deux tourelles, symétriquement disposées, en poivrière, aux deux extrémités de la principale construction. D’immenses jardins dont une partie, convertie en cours des récréations, entoure cette seigneuriale demeure dont j’eusse pu, si l’avaient voulu les destinées, me voir le châtelain… Au château de « Calcebourg », comme on prononce dans le pays, nous attendait une hospitalité, sinon princière, du moins large et de tout cœur. La gaieté, une gaieté sans fiel, quelque malice,