Vous avez votre absinthe, il s’agit de la faire ;
Ça n’est pas, croyez-moi,
Comme pense un vain peuple, une petite affaire.
Banale et sans émoi.
Il ne faut pas avoir ailleurs l’âme occupée.
Pour le moment du moins.
L’absinthe veut d’abord de la belle eau frappée,
Les dieux m’en soient témoins !
D’eau tiède, il n’en faut pas : Jupiter la condamne.
Toi-même, qu’en dis-tu ?
Autant vaudrait, ma foi, boire du pissat d’âne
Ou du bouillon pointu.
Et n’allez pas comme un qui serait du Hanovre,
Surtout me l’effrayer,
Avec votre carafe, elle croirait, la povre !
Que l’on la veut noyer.
Déridez-la toujours d’une première goutte…
Là… là… tout doucement.
Vous la verrez alors palpiter, vibrer toute.
Sourire ingénument ;
Il faut que l’eau lui soit ainsi qu’une rosée,
Tenez-vous-le pour dit :
N’éveillerez les sucs dont elle est composée
Que petit à petit.
Telle une jeune épouse hésite et s’effarouche
Quand, la première nuit.
Son mari brusquement l’envahit sur sa couche
En ne pensant qu’à lui…
Mais, tenez : votre absinthe éclot dans l’intervalle,
La voilà qui fleurit.
S’irise et passe par tous les tons de l’opale
Avec un rare esprit.