Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.
445
les hommes d’aujourd'hui


Du feu ! Du feu ! Tout croule en l’incendie immense,
Rocs aigus, îlots plats sous les roseaux nageant.
La ville au loin qui sent dans la flamme, en silence,
Fondre ses ponts de marbre et ses clochers d’argent.

Comme un cuvier bouillant la lagune étincelle
Et les longs avirons, éclatant par les airs,
Dans le brasier qui coule aux flancs de la nacelle
S’allument en cadence et pleurent des éclairs.

Ô splendide, ô vivante, ô divine lumière,
Dans cet embrasement de l’univers joyeux,
Prends l’homme aussi, prends moi ; voici mon âme entière,
Toute, je te la livre, ô Soleil radieux !

Loin, bien loin, aussi loin que tes flèches vibrantes
Brisent la nuit stérile et vont ouvrir des yeux,
Jette-la, trempe-la de tes clartés puissantes
Dans la pourpre des mers et la pourpre des cieux,

Afin que, retombée aux ombres de la vie
Elle épanche à son tour, sans jamais s’apaiser,
Les trésors de chaleur qui l’auront assouvie
Dans la force et l’éclat de ton dernier baiser !

(La clef des champs).



PASQUETTA


Printemps ! printemps ! l’Arno soulevé dans ses rives
Vers la mer à grand bruit porte l’eau des glaçons
On voit monter partout des verdures craintives
Comme un désir aux yeux des timides garçons.