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les hommes d’aujourd'hui

plurent par la sincérité de leur art et l’intense simplicité du fond. Le hasard voulut qu’à l’époque qu’il fallait je fisse paraître les Poètes maudits, beaucoup pour Corbière et Mallarmé, mais surtout pour Rimbaud. Cet opuscule eut tout le succès souhaité et quelque tapage s’ensuivit. Je fus assez heureux pour que le nom de mon cher ami Mallarmé, déjà si honorablement connu d’un tout petit choix d’élus parmi l’élite des raffinés et des curieux compétents, retentit cette fois un peu plus fort et allât taquiner l’oreille de la Presse. Il la taquina si bien cette oreille, ce nom d’un artiste suprême de qui j’ai dit ailleurs qu’il considérait la clarté comme une grâce secondaire, qu’une assez plaisante confusion commença de régner. Échotiers et chroniqueurs, gent malicieuse, affectèrent d’envelopper dans le même reproche d’ésotérisme pointu et de « symbolisme » frisant le rébus mes humbles vers, ceux si nets de Corbière et ceux si superbement lucides de Rimbaud.

Bref, dès ce moment précis, « décadents » — un mot vaguement né où ? comme « romantiques », comme, mais mieux que « naturalistes » — signifiait, en nous désignant, mes trois Maudits, moi et ceux d’entre les jeunes gens dont il a été parlé plus haut, qui avaient déjà publié des vers, — amateurs de l’obscur, propagateurs de théories abstruses, absconces et tout ce qu’on voudra dans ce goût-là,