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louise leclercq

boucheries quasi-coquettes et charcuteries essayant de rire un brin, foisonnent dans la rue des Dames. Des bureaux de tabac, quelques libraires et plusieurs cafés très anciens mêlent leur superflu bien modeste au confortable qui fait la gloire des ménagères et la sécurité bourgeoise des habitants de cette étroite, humide, interminable artère principale des Batignolles proprement dites. De nombreuses crémeries à l’usage des employés pauvres et des ouvriers célibataires du quartier, complètent cette physionomie qu’on voudrait croire provinciale, n’étaient telle lacune dans la bonhomie, tel manque de naïveté forte, telle négligence, telle brutalité, telle ignorance bien faubourienne, comme une enseigne prise à un roman qui fut à la mode, comme l’affichage d’une ordure de plume ou de crayon dont Paris seul encore no rougit point, comme ce je ne sais quoi de trivial et de provisoire qui gâte à Paris et dans ses environs immédiats toute installation de modeste importance.

Au coin de la rue des Dames et d’une des rues qui aboutissent sur le boulevard des Batignolles se trouve une assez grande épicerie. Le magasin s’ouvre à l’angle même de la maison dont l’entrée pour les locataires donne sur la rue transversale. Les boiseries extérieures sont peintes en jaune foncé rehaussé de filets bruns ; le mot « denrées » en gros caractères noirs surmonte la partie du magasin située