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mes prisons

prolonger ailleurs. Il y avait de mon temps un corbeau familier, ennemi rauque des peu mélodieux chats de l’établissement, qui, par suite d’incongruités dans des baquets où coulaient des lessives, fut tué d’un coup de carabine par le « patron », et fit d’excellent bouillon. J’ai raconté le fait en détail dans mes « Mémoires d’un veuf ».

Dans cette prison si bonhomme j’étais chargé du ménage, épousseter, balayer. À ce propos le gardien-chef me dit un jour que j’avais mal « faite l’ouvrache » l’homme était du Nord, et il ajouta que j’étais plus fort sur l’écriture que sur la peinture.

(Il est bon de dire que j’avais dans le pays une réputation déjà d’« écrivain ».)

J’étais aussi prié tous les soirs de réciter au dortoir le Pater Noster et l’Ave Maria, — et il paraît que je m’en acquittais bien mieux que mon prédécesseur dans cet emploi. Parbleu ! Et sans trop de peine, vraiment.

Un aumônier venu de Falaise, un village voisin dont il est question dans la Débâcle d’Émile Zola, et qui avait été missionnaire en Chine, enterré vivant, nous disait la messe tous les dimanches. Son sermon hebdomadaire, plein d’anecdotes et très gentil, dans ce joli accent un peu anglais des Ardennes se concluait par une poignée de main à travers des barreaux, de bois comme les autres, aux quelques trois ou quatre prisonniers que nous étions.