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mes hôpitaux


Il était là, mon prédécesseur, quand j’entrai dans la salle. Ni beau, ni laid, ni, à vrai dire, rien. Une forme étroite et longue, entortillée dans un drap avec un nœud sous le cou, et pas de croix sur la poitrine, à même le matelas sur le lit de fer sans rideaux, ainsi que sont maintenant les trois quarts des lits d’hôpital. — Encore une légende qui s’en va, diraient mes éminents confrères et mes maîtres dans la Chronique. Une civière dite boîte à dominos, recouverte d’un tendelet, de teinte quelconque, nuance plutôt toile à matelas, fut apportée, on y mit le paquet, et en route pour l’amphithéâtre. Quelques instants après, j’étais installé dans le « poussier » tout à l’heure mortuaire, et véritablement justiciable du mot d’argot que je viens d’employer, si l’on veut bien se reporter au pulvis es et inpulverem reverteris de l’Église catholique.

D’ailleurs, c’est extraordinaire vraiment comme, ici, on se familiarise avec cette chose au premier abord familière et terrible ; et pourtant si banalement consolante et libératrice : la mort. Hein ! dans la vie ordinaire, — je ne parle pas des morts chéris, parents ou amis, je parle des quelconques, des étrangers — hein ! quelle affaire !

On a presque peur ; le pauvre inoffensif cadavre épouvante ou comme. Quand je grimpais mes nombreux étages, si je savais qu’à tel palier, derrière telle porte, au fond de tel appartement, il y avait…