Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
mémoires d’un veuf

et mélodieux comme les rossignols, se sentaient nos frères en la lyre et mettaient en musique nos vers tels quels, sans les casser ni les « orner » — immense bienfait que reconnaissaient une gratitude sans borne et quelle bonne volonté d’auditeurs ignorants en harmonie, mais intelligents du beau sous toutes ses formes ! Des journalistes, des romanciers, et, inappréciable trésor, des amis sans épithète, amateurs au courant, dilettanti à l’unisson, complétaient le groupe. Edmond Maître, érudit sans pair, férocement spirituel, cruel à la bêtise et solide conseil, Burty, lui-même littérateur exquis et le roi des connaisseurs, les frères de Goncourt, illustres adversaires qui avaient senti aux durs jours d’Henriette Maréchal toute la chaleur de notre loyale admiration pour un génie en dehors de notre entreprise, d’autres encore qu’il n’entre pas dans le plan de ce livre d’énumérer, car ils sont trop nombreux et je ne devais nommer que la fleur de cette fleur des intellectuels.

Cette belle union dura jusqu’à la guerre de 70. Une catastrophe pouvait seule briser un faisceau si robuste ; engagements aux armées, gardes au rempart, divisions politiques nécessaires, — car le mot « fatal » n’est pas courageux, un tas de choses sérieuses pour la patrie, puis pour la conscience, mit à néant, réveil brutal, le tout si bon, le rêve si beau, et par cela le cénacle en groupes, les groupes en