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UN HÉROS


Dans une prison bon enfant où il faisait une peine de droit commun (quel galant homme de nos jours consentirait à se voir bouclé pour délit politique ?), mais ô bonheur ! n’entraînant pas la perte de ses droits civiques, il y avait un corbeau mal apprivoisé, joie du préau mais terreur des tout petits enfants du geôlier. Il s’appelait Nicolas de son nom de baptême. Une aile aux plumes raccourcies l’empochait de voler, mais un jour il s’évada par une grille ouverte. Grand émoi surtout parmi les prisonniers qui aimaient ce compagnon, non sans une nuance d’envie à la nouvelle de ce bonheur pour l’oiseau.

On rattrapa toutefois le délinquant qui, dès lors, lui joyeux et dansant d’ordinaire, hérissa désormais ses plumes et ne bougeait pas d’un certain angle du mur. Évidemment il songeait. Un jour on put savoir ce à quoi il songeait. La patronne faisait sa lessive et beaucoup de linge flottait dans des baquets ; Nicolas n’hésita pas un instant et profitant de ce que l’excellente femme avait le dos tourné pour