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les poètes maudits


Nous ne saurions mieux justifier ce que nous disons là qu’en vous présentant le sonnet des


VOYELLES


A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes.
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombillent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

Ô, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
— Ô l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !


La Muse (tant pis ! vivent nos pères!), la Muse, disons-nous, d’Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe, gratte toutes celles de la guitare et caresse le rebec d’un archet agile s’il en fut.

Goguenard et pince-sans-rire, Arthur Rimbaud