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pierre duchatelet


On cria bravo. C’était un beau coup de théâtre.

Quatre ou cinq d’entre les plus jeunes gardes s’écrièrent, presque en chœur, la main étendue en avant :

— Nous aussi !

Les bravos redoublèrent, on entoura les volontaires, leur serrant la main, non sans un attendrissement trop visiblement gouailleur pour bien faire. Ce fut tout. Le bataillon de garde arrivait, le cérémonial de la relevée puis du départ s’opéra dans l’ordre accoutumé, l’on reprit le chemin du lieu de réunion du bataillon, au son d’une polka jouée plus allègrement que d’ordinaire par la fanfare. Au bout d’un quart d’heure de marche accélérée, l’on rompit les rangs et les cafés du voisinage s’emplirent de conversations relatives à l’incident de tout à l’heure.

— On n’est pas plus bête ! dit un lieutenant, bel homme blond qui battait son absinthe.

Rentré chez lui, après avoir embrassé sa femme, petite brune un peu zézayante, à l’embonpoint naissant, dont les yeux gris disaient une malice crue sans fiel, Pierre, sous prétexte de fatigue, passa au salon et s’y étendit au long d’un canapé, méditant sur ce qu’il venait de faire il y avait quelques instants.

Un médaillon de cire un peu plus grand qu’une pièce de cent sous, précieusement encadré sous verre, pendait au mur, à la portée de sa main. Il prit le délicat objet et le considéra longuement.