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pierre duchatelet

précédés d’un interlocuteur allant à reculons, en tambour-maître.

Des isolés, boudeurs ou philosophes, fumaient la pipe, assis sur des pavés près de feux de bivouac aux trois quarts éteints depuis le petit matin qu’on avait permis de les rallumer, ou se promenaient pour des heures dans le même périmètre.

Parmi ces derniers — les isolés marcheurs — il s’en trouvait un, d’environ vingt-six ans, plutôt maigre et pâle, toute sa barbe, une barbe légère blonde et noire, des sourcils de jaloux, qui se touchaient, l’air très doux qui devait changer vite à la moindre émotion, taille au-dessus de la moyenne, démarche gauche et l’apparence timide.

Sinon qu’il faisait assez irrégulièrement son service et qu’il était poli au suprême degré, complaisant si besoin était et fort peu causeur, on ne connaissait rien de lui dans le bataillon. Tout neuf d’ailleurs dans le quartier où il s’était installé en août avec su femme qu’il avait récemment épousée. Employé dans une administration publique, une petite aisance avec ça, à en juger par les toilettes de madame et leur appartement à mille francs voilà ce que la compagnie tenait des expansifs de l’escouade.

Il s’appelait Duchatelet. On avait entendu sa femme le prénommer Pierre.

Il marchait de long en large depuis la porte jusqu’à la caserne d’octroi, suivant le chemin de terre