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louise leclercq


Puis l’effroi vint avec l’excès. Car ils avaient mille ruses pour se voir trop longtemps, et Louise n’était pas la plus malhabile ni la moins ardente à trouver de ces rendez-vous instantanés, en quelque sorte sous l’œil et loin des regards de ses parents.

Maintenant que faire ? Elle ne pouvait plus rester. Sa franchise répugnait à ces cachotteries d’ailleurs si graves, puis disons tout, d’ailleurs ici la vérité s’impose cruellement quoique nous en ayons, il fallait plus de champ à sa passion qu’elle avait besoin de place et d’espace pour satisfaire bien, pour assouvir comme il fallait, car la flamme du sang grandissait avec les jours écoulés et c’était toute la luxure, pour parler franc, qui possédait l’innocente, nous maintenons le mot — la luxure bestiale, l’immortelle démangeaison, le besoin impérieux du mâle, non pas l’hystérie, saine et robuste qu’elle était, vierge forte qu’elle sortait d’être, femme qu’elle se sentait depuis quinze jours, femme normale, bon instrument bien manié ; car de son côté Doucet était bâti pour l’amour physique, ardent et caresseur et rieur, souple, d’attaque et de riposte, gai dans l’expansion, allègre après et persévérant sans plus d’effort que cela. Chose naturelle ! lui aussi avait subi une transformation. Et de même que le corps chez Louise s’était magnifié, que sa taille, sa poitrine, ses membres, prenaient de jour en jour plus d’autorité en quelque sorte et de