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amour

Une chambre bien close, une table, une chaise,
Un lit strict où l’on pût dormir juste à son aise,
Du jour suffisamment et de l’espace assez,
Tel fut mon lot durant les longs mois là passés,
Et je n’ai jamais plaint ni les mois ni l’espace,
Ni le reste, et du point de vue où je me place,
Maintenant que voici le monde de retour,
Ah vraiment, j’ai regret aux deux ans dans la tour !
Car c’était bien la paix réelle et respectable,
Ce lit dur, cette chaise unique et cette table,
La paix où l’on aspire alors qu’on est bien soi,
Cette chambre aux murs blancs, ce rayon sobre et coi,
Qui glissait lentement en teintes apaisées,
Au lieu de ce grand jour diffus de vos croisées.
Car à quoi bon le vain appareil et l’ennui
Du plaisir, à la fin, quand le malheur a lui,
(Et le malheur est bien un trésor qu’on déterre)
Et pourquoi cet effroi de rester solitaire
Qui pique le troupeau des hommes d’à présent,
Comme si leur commerce était bien suffisant ?
Questions ! Donc j’étais heureux avec ma vie,
Reconnaissant de biens que nul, certes, n’envie.
(Ô fraîcheur de sentir qu’on n’a pas de jaloux !
Ô bonté d’être cru plus malheureux que tous !)
Je partageais les jours de cette solitude
Entre ces deux bienfaits, la prière et l’étude,
Que délassait un peu de travail manuel.
Ainsi les Saints ! J’avais aussi ma part de ciel,