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amour


Faites que mon exemple amène à vous connaître
Tous ceux que vous voudrez de tant de pauvres fous,
Vos enfants sans leur Père, un état sans le Maître,
Et que, si je suis bon, toute gloire aille à vous ;

Et puis, et puis, quand tout des choses nécessaires,
L’homme, la patience et ce devoir dicté,
Aura fructifié de mon mieux dans vos serres,
Laissez-moi vous aimer en toute charité,

Laissez-moi, faites-moi de toutes mes faiblesses
Aimer jusqu’à la mort votre perfection,
Jusqu’à la mort des sens et de leurs mille ivresses,
Jusqu’à la mort du cœur, orgueil et passion,

Jusqu’à la mort du pauvre esprit lâche et rebelle
Que votre volonté dès longtemps appelait
Vers l’humilité sainte éternellement belle,
Mais lui, gardait son rêve infernalement laid,

Son gros rêve éveillé de lourdes rhétoriques,
Spéculation creuse et calculs impuissants,
Ronflant et s’étirant en phrases pléthoriques.
Ah ! tuez mon esprit et mon cœur et mes sens !

Place à l’âme qui croie, et qui sente et qui voie
Que tout est vanité fors elle-même en Dieu ;
Place à l’âme, Seigneur ; marchant dans votre voie
Et ne tendant qu’au ciel, seul espoir et seul lieu !