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Myrtil
Parlez-moi du passé.Pourquoi ?
Rosalinde
Parlez-moi du passé. Pourquoi ? C’est mon caprice.

Et fiez-vous à la mémoire adulatrice
Qui va teinter d’azur les plus mornes jadis
Et masque les enfers anciens en paradis.

Myrtil
Soit donc ! J’évoquerai, ma chère, pour vous plaire,

Ce morne amour qui fut, hélas ! notre chimère,
Regrets sans fin, ennuis profonds, poignants remords,
Et toute la tristesse atroce des jours morts ;
Je dirai nos plus beaux espoirs déçus sans cesse,
Ces deux cœurs dévoués jusques à la bassesse
Et soumis l’un à l’autre, et puis, finalement,
Pour toute récompense et tout remerciement,
Navrés, martyrisés, bafoués l’un par l’autre,
Ma folle jalousie étreinte par la vôtre,
Vos soupçons complétant l’horreur de mes soupçons,
Toutes vos trahisons, toutes mes trahisons !
Oui, puisque ce passé vous flatte et vous agrée,
Ce passé que je lis tracé comme à la craie