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La fièvre emplit ses yeux et la fureur son bras
Et vers la bête immensément qui se relève,
Elle bondit, avec la rage dans son glaive.

Heurts et fracas, clameurs et chocs,
De roc en roc,
Les monts jusqu’à la mer en retentissent ;
Des coups
Lourds et puissants s’apesantissent
L’arc est vibrant, le glaive est fou ;
La guerrière, dans la tempête
De gueules et de dents qui menacent sa tête,
Paraît brandir la foudre et diriger l’éclair,
Mais peu à peu l’élan de son bras clair
Se ralentit ; elle se trouble et s’inquiète.
On la vaincra, puisqu’elle pense à sa défaite ;
Et tandis qu’une dernière fois
Son poing dresse le glaive — droit
Puis s’affaisse, les ténèbres sont survenues,
Le livide Occident décompose les nues,
Et seul s’entend encor, parmi le morne espace,
là-bas, dans le fond de la nuit, le bruit
D’armes grandes, qui tombent, lasses.