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Habille-toi de lin, Vénus, voici le Christ.
Voici ses longues mains impératives
Voici les crins, les clous, les pierres,
Pour y meurtrir et y rouler ta chair ;
Voici l’ivresse et la souffrance alternatives,
Voici les couvents blancs et leurs linceuls de murs
Immensément dressés par la mort allouvie,
Autour des cris et des désirs qui sont la vie ;
Voici la mort muette en des supplices sûrs,
La nuit, sous l’effroi roux d’une lune qui hait ;
Vénus ! voici ton corps et ses bouches de plaies
Qui s’affolent et s’assoiffent de tout l’amour !

Habille-toi de lin, et traîne jusqu’au bout,
Ta sublime douleur d’aimer, à travers tout ;
Bien que déjà naisse le jour
Et que l’étoile soit éteinte
Qui s’arrêta jadis sur Bethléem, la Sainte.