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Et tout cela semblait sincère et puéril :
Fibres, tiges, feuilles, pistils,
Et pétales et pétioles.
Pourtant, non loin de là, montaient en floraisons
Et les venins et les poisons :
L’hostile jusquiame et le gouet malévole,
Si bien qu’au ras du sol tout autant que là-haut
L’embûche se dressait et donnait son assaut
À l’ardeur méritoire et loyale des choses.

Mais, si morne et ténébreuse qu’en fût la cause,
L’arbre, pour mieux vivre et grandir, n’y songeait pas.
Il sentait l’air léger parcourir ses cent bras
Et la pluie innombrable incliner son feuillage ;
Il jetait sur le sol comme un mouvant treillage
Où se jouaient des rais de lune et de soleil ;
Des musiques d’oiseaux célébraient son réveil ;
Qu’il fût hêtre ou mélèze ou chêne solitaire,
Il s’imposait sa tâche à remplir sur la terre ;
À servir d’os et de muscles à la cité,
À n’être qu’un fragment de la vaste unité,