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L'ANARCHISTE

gangrène sociale. Aussi, la violence du mal et l’inquiétude que je vis dans tous les regards me semblèrent-elles extrêmes. Le père Chafoin, qui apercevait des ennemis partout, ne tirait son cordon qu’en tremblant, et chaque boîte à sardines qu’il trouvait dans sa cour le remplissait du plus violent effroi. Les gavroches du quartier se gaudissaient de ses terreurs et ne cessaient de les provoquer par leurs fumisteries.

J’eus quelque peine à rentrer chez moi, car ma vue seule avait mis le coquin hors de lui.

— Oh ! Monsieur, vous allez attirer tous les gueux du quartier ! gémissait-il, c’est vous qui nous avez porté malheur avec votre bonté pour ce misérable Jacques André que la foudre écrase !

— Jacques est incapable de faire du mal à une mouche, c’est un fou et pas autre chose !

— Les fous sont dangereux, on les enferme !

— Aussi ai-je enfermé le mien, il ne reviendra pas, soyez tranquille !

— Monsieur a tort de ne pas se méfier davantage ! Il y a une odeur de dynamite dans l’air ; le mieux serait de dénoncer cette vermine, de s’en débarrasser à jamais.

— Vous n’y songez pas, père Chafoin ! Jacques n’a commis aucun crime.

— Il en commettra, c’est moi qui vous le dis !