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L'ANARCHISTE

Avant de partir, j’avais demandé aussi un entretien à Guillaumet, afin de mettre ma conscience à l’abri de tout remords. Le fermier était un homme d’une cinquantaine d’années, fort, haut en couleur, qui tenait prodigieusement à son bien et n’en aurait pas distrait une parcelle pour sauver son âme. Suffisamment riche et vivant grassement à la campagne, il devait tout au sol ; aussi l’aimait-il d’une affection profonde, qui se manifestait à chaque instant dans ses paroles. Les natures opposées de ces deux hommes devaient se rechercher et se combattre ; mais je pensais que le bon sens de l’un triompherait de la folie de l’autre et qu’il n’était pas mauvais que le caractère de mon protégé fût assoupli par une résistance saine et vigoureuse. Je trouvai le père Guillaumet en train de surveiller ses valets de ferme. Il retirait parfois sa courte pipe d’entre les dents pour gourmander les paresseux, et il ne dédaignait pas de donner un coup de main aux uns et aux autres.

— Ah ! fit-il, vous êtes sur votre départ ?… Je crois que votre présence va bien manquer à ma dame Claudie et à son homme !

— J’espère que non. Ils ont tout ce qu’il faut pour se suffire à eux-mêmes, et je venais, monsieur Guillaumet, vous demander d’être doux à ces pauvres gens. Ce sont des convalescents qui