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L'ANARCHISTE

manuel et cérébral du passé et du présent. De quel droit donc pourriez-vous vous approprier la plus petite parcelle de cet immense tout, et prétendre que ceci est à vous plutôt qu’aux autres ?…

— Il n’y a pas de droit ; c’est ainsi, parce que notre nature est imparfaite. C’est l’éternelle fable des Marrons du feu. Pourquoi ne demandez-vous pas raison à la création des injustices qu’elle ne cesse de commettre ? Pourquoi les uns sont ils droits comme des joncs et les autres bossus ou culs-de-jatte ? Pourquoi les uns sont-ils beaux et bêtes et les autres laids et intelligents — ce qui leur fait ressentir plus désagréablement leur disgrâce ? Enfin, pourquoi les uns sont-ils bien portants et les autres martyrisés par de mystérieux supplices ? Voyez-vous, mon ami, il faut remonter plus haut que l’homme pour chercher l’injustice des choses ! Seulement, la force qui nous a créés gardera toujours son secret, et, jusqu’à ce qu’il lui plaise de supprimer le monde, vous vous tordrez dans d’inutiles convulsions comme des tronçons de vipères sous la botte ferrée du chasseur !

Mais Jacques ne m’écoutait pas, creusant son idée avec la ténacité des visionnaires :

— Je vous ai entretenu de la richesse, poursuivit-il, vous parlerai-je aussi de l’éducation ? Elle est impossible au fils de l’ouvrier qui, à douze ans, est obligé d’aider son père dans son dur labeur.