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L'ANARCHISTE

me fallut habiter son bouge, tout au fond de la cour, derrière un monceau d’immondices, et partager sa paillasse, parmi le pêle-mêle d’ordures dont il l’ensevelissait chaque nuit. Et, lorsque je sortais, pour aller mendier, de l’humidité gluante de ces murs verts suintant sans cesse, j’avais l’air d’une morte échappée du cercueil. Les passants ne s’en montraient que plus charitables, la recette grossissait en raison de mon état de souffrance.

» Enfin, je m’échappai !… Je vécus comme il me fut possible, de prostitution et de basses besognes, car je ne savais rien faire et n’avais pas les moyens d’apprendre. Aussi, quand il y a deux ans, je rencontrai Jacques, me trouvai-je, tout de suite, heureuse et rassurée ; non pas que mon dénuement eût cessé, mais parce que mon âme, pour la première fois, put s’ouvrir aux bonnes paroles et aux encouragements. Il ne me traitait plus en traînée, en rouleuse, comme mes amants de rencontre, il avait pour moi de la pitié et de la tendresse…

» Un jour, que nous étions sans un morceau de pain, je m’enfuis pour faire mon ancien métier, espérant gagner quelque argent qui nous aiderait à vivre. Je ne croyais pas mal agir, je me réjouis sais même à l’idée de procurer un peu de bien-être à mon homme chéri ! Hélas ! la phtisie avait