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L'ANARCHISTE

— Vieille ! vous avez dix ans de moins que lorsque je vous ai vue pour la première fois.

— C’est vrai. J’étais plus près de la fin alors que maintenant. Croyez-vous que le bonheur puisse guérir complètement ?

— Certes. Le bonheur est le plus efficace des remèdes. Or, il ne tient qu’à vous d’être heureuse jusqu’à l’âge le plus avancé.

— Oh ! moi, je suis heureuse quand il est heureux. Ma vie n’est-elle pas liée à la sienne de telle sorte qu’une rupture serait la mort ?…

— Jacques ne vous quittera plus maintenant ; n’est-ce pas, Jacques ?…

Le jeune homme hocha la tête sans répondre.

— Laissez-le, s’écria Claudie. Il a toujours en tête une foule d’idées singulières qui l'empêchent de songer à son bonheur…

Mais, je m’obstinai.

— Voyons, mon ami, dites-moi quelque chose, insistai-je doucement. Vous voyez que les bourgeois ont quelquefois du bon, et que, dans la mesure de leurs moyens, ils font le bien autour d’eux.

Jacques me regarda dans les yeux, puis il dit nonchalamment :

— Vous n’êtes pas un bourgeois, Monsieur, vous êtes un bienfaiteur… Mais je veux bien reconnaître que le bourgeois n’est pas foncièrement