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L’ÉTOILE DOUBLE

vivre ! et je sens que la mort, une seconde fois, m’effleure de son haleine !

— Ne devons-nous pas rester deux siècles ici ?… La chimère ne m’a-t-elle pas conseillé de repousser les tentations ?…

— La chimère est fille des hommes, elle a menti, comme tout ce qui vient de leur globe fangeux.

La douce créature que je serrais sur mon cœur sembla s’évanouir ; je craignis de la voir trépasser, tant sa pâleur et sa faiblesse étaient grandes. Ses ailes étendues et déchirées ne jetaient plus qu’une lueur agonisante.

— Aaaâh… Aaaâh…

Et la note, vibrante naguère, n’était plus qu’un soupir : J’ai faim, j’ai soif, disait-elle, mes entrailles se tordent, mon sang se glace !

Je jetai autour de moi un regard désespéré : rien, rien, que l’horrible flamboiement de cette montagne de topaze, de ces lointains d’or et de bronze.

Alors, saisi de rage et de désespoir, je me mordis le bras et appuyai sur les lèvres de ma compagne la plaie profonde que je venais de me faire. Elle but avidement, et, chose singulière, à mesure que mon sang rougissait sa bouche, et tombait dans sa gorge haletante, je me sentais plus vibrant, plus fort. Cette chair sur ma chair