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L’ÉTOILE DOUBLE

— Oui, toujours… Mais, j’ai confiance, puis que tu m’as conduit en ce lieu de délices.

— J’y ai conduit bien d’autres, et je garde tous les cœurs dont ils m’ont fait présent !…

La chimère agita ses ailes, et je vis que ses écailles étaient faites d’une multitude de cœurs collés les uns aux autres. Par moments, des gouttelettes de sang s’en échappaient et se métamorphosaient en rubis avant de tomber sur le sol.

— Veux-tu mon cœur aussi ?… O mon ardente chimère ! Je n’en aurai plus besoin quand je serai semblable à la poussière glorieuse de la voie lactée !…

— Prends garde, enfant des hommes ! tu n’es encore qu’au tournant du chemin !…

Ma compagne, peu à peu, s’était élevée dans les airs, et je la suivais, sans effort, d’un mouvement doux et berceur.

Les monts s’embrasaient de plus en plus, les ondes bouillonnantes formaient des palais de diamants, des cathédrales d’émeraudes, des tours d’améthystes, des babels d’onyx, des plaines et des forêts de turquoises ; mille fantasmagories éblouissantes, aussitôt détruites qu’édifiées. Les grandes murailles de saphirs et de rubis nous barraient le passage. Mais, nous nous élevâmes si haut qu’elles ne nous semblèrent plus que des crêtes transparentes d’un éclat incomparable. Et,