Page:Vaudere - L anarchiste.pdf/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
L’ÉTOILE DOUBLE

— Vois-tu, poursuivit ma compagne, ce qui trouble et pervertit les hommes n’existe pas ici : la guerre, le pillage et le meurtre sont inutiles, car chacun trouve en soi et autour de soi ce qui le satisfait. L’amour, la jalousie, la haine, l’orgueil et l’envie ne peuvent même effleurer nos vastes intelligences ; nous savons que nos destinées sont sublimes et que nous marchons sans cesse vers la perfection et le bonheur suprêmes. Bientôt, tu comprendras ce qui te semble encore environné de brumes. Dieu n’a pas voulu que l’initiation fût immédiate, pour mieux éprouver ses élus. Mais, ta seule présence est déjà une promesse d’immortalité. L’ange de la résurrection t’a cherché dans le tombeau où la mort terrestre t’avait mis, et a donné à ta forme astrale une enveloppe glorieuse. Tandis que ta chair et que tes os sont devenus la proie des vers, ton essence divine a voyagé dans l’espace et s’est arrêtée sur cette étoile, où elle a pris forme, pour attendre la dernière béatification. Seulement, n’oublie pas que, malgré ton corps rayonnant , tu ne dois être qu’un pur esprit, et que toute réminiscence humaine te serait fatale. Ici, les êtres ne se reproduisent pas ; ils ne doivent ni s’admirer, ni s’aimer, ni se désirer. L’amour est créateur, et, en créant nous insultons le maître qui seul peut disposer de notre destinée. Le temps que nous passons sur cette étoile est une