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L’ÉTOILE DOUBLE

prendre, point n’était besoin de déguiser ses pensées pour se faire bien venir, une compréhension immédiate, une lucidité absolue, une bienveillance touchante nous unissaient tous. J’appris que mon existence serait de plusieurs siècles, si je parvenais à oublier le monde pervers dont je sortais, que je resterais jeune et bien portant, sans prendre la plus petite nourriture, l’air que je respirais suffisant à entretenir mon nouvel organisme ; enfin, que je demeurerais lumineux, c’est-à-dire qu’une émanation phosphorescente irradierait de moi comme de tous les êtres qui m’environnaient, et que mes impressions se traduiraient aussi par une gamme de tons éclatante ou discrète selon leur intensité.

La chimère, que j’avais tout d’abord serrée sur mon cœur, m’enveloppa de ses cheveux roux et je ne vis plus que ses yeux verts qui souriaient étrangement. Des sons profonds et troublants s’échappèrent de sa gorge, et voici ce que je compris.

— Tu vois, fils de la terre, ici je demeure. Je ne suis pas l’enchanteresse volage qui fuit après le baiser dans un rayon de lune. Je ne découvre pas à ton âme le paradis des félicités lointaines pour l’abandonner à moitié route… Ma mission est plus haute, mon cœur plus généreux : Regarde ! tout ce qui pour toi n’était jadis que songe