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L’ÉTOILE DOUBLE

Saisi d’une crainte mystérieuse, je me dressai pour fuir, et, quand je fus debout, je me trouvai si fort, si agile que toute ma frayeur s’évanouit. C’est à peine si j’en croyais mes sens. D’ailleurs, mes sens n’étaient plus les mêmes ; je ne voyais plus, je n’entendais plus de la même façon ; mon organisme était doué de plusieurs facultés nouvelles : notamment d’un pouvoir magnétique par lequel il m’était aisé de me mettre en communication avec les êtres qui m’entouraient, sans le secours de la parole. Mes muscles jouaient avec une merveilleuse souplesse, je sentais en mes veines une douceur de miel ; j’aurais voulu chanter, aimer, répandre ma bonté comme un fleuve d’huile sur toutes les étranges créatures qui surgissaient à mes côtés. J’en pris quelques unes entre mes bras ; elles étaient glacées et dures comme du bronze. Cependant, malgré leur apparence terrible, elles ne me firent aucun mal, et s’abandonnèrent avec confiance.

Alors, j’entendis leur langage qui n’était pas formé de mots, mais d’intonations différentes. Un accord harmonieux suffisait pour expliquer les sentiments les plus compliqués ; une phrase musicale suppléait à un long discours. Les intelligences étaient remarquablement intuitives, vastes et déliées. Point n’était besoin d’entrer dans des explications laborieuses pour se faire com-