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L'ANARCHISTE

teuse, surtout, était ravie. Elle alla prévenir à l’atelier qu’elle ne reviendrait plus, et, en moins de temps qu’il ne m’en fallut pour donner à Jean mes ordres de départ, elle assembla les quelques hardes qu’ils possédaient maintenant en commun.

La campagne !… son éternel désir, qui, toujours, reculait dans les brumes de l’impossible ! Elle allait donc pouvoir se promener dans un grand jardin avec beaucoup d’herbes et de fleurs autour, avec des oiseaux qui chanteraient en liberté et des chemins qui se perdraient dans des nuits de verdure !…

Elle n’avait jamais vu la vraie campagne ; son souvenir n’allait pas au delà des fortifications. Là, parfois, elle avait cherché aventure quand le soleil chauffait doucement la route poudreuse, entre deux rangs de maisons inégales. Elle s’était assise au bord du talus avec des amants de rencontre qui la trouvaient gentille tout de même, et le lui disaient crûment. Elle eût voulu effacer cette époque déjà lointaine de sa vie pour devenir la femme de Jacques, de ce Jacques qui parlait si bien et savait tant de choses ! Certes, elle était indigne de lui ; pourtant, cette existence de débauche, elle ne l’avait point voulue, elle l’avait détestée toujours par instinct, sans se rendre compte de son ignominie.

Et la pauvre fille donnait raison aux théories