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L'ANARCHISTE

des silences et des images ardentes subitement évoquées.

— Tout ce que je vous dis arrivera un jour, s’écriait-il souvent ; seulement, vous êtes volontairement aveugles, et ne daignez pas voir l’immense chemin que l’idée fait d’heure en heure. Vous vous réveillerez dans l’abîme !

Que de soirées nous passâmes ainsi à caresser de roses visions de félicité, d’union et de paix universelles ! Jacques arpentait fiévreusement son étroite chambre, et je l’écoutais, assis sur une malle, tandis que Claudie sommeillait à nos pieds. La fumée de ma cigarette s’échappait en bleuâtres tourbillons par la lucarne ouverte sur le ciel sombre, et je regardais les étoiles qui scintillent là-haut, si loin, si loin, qu’elles ne sont plus qu’une cendre d’or, une cendre chaude de tous les rêves, de toutes les illusions et de toutes les luttes qui bouleversent notre globe minuscule !

J’avais une assez vaste propriété dans les environs de Paris ; je tâchai d’y intéresser Jacques, afin de l’arracher à son affreuse prison.

— Si vous voulez, mon ami, vous surveillerez mes travaux agricoles, Claudie vous accompagnera et soignera le poulailler, car elle est trop faible pour traire les vaches et aller à l’herbe. Est-ce dit ?

Ils acceptèrent avec reconnaissance. La boi-