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RÉINCARNATION

se produisait en elle. Ses traits, maintenant semblaient se fondre, diminuer, son teint pâlissait par places, ses yeux se brouillaient, ses cheveux même changeaient de couleur ; sa taille robuste fléchissait, l’on eût dit qu’elle rapetissait.

Pourtant, son humeur était constamment joyeuse, aucun souci ne semblait l’atteindre. Elle ne parlait à son mari qu’avec la plus grande tendresse, rassurant les siens qui ne comprenaient rien à sa métamorphose, et commençaient à en prendre de l’inquiétude.

Cet état dura pendant quelques mois. Ghislain agissait avec la plus extrême prudence. Les domestiques tenus éloignés de la chambre conjugale ne pouvaient rien surprendre, et Bérengère au réveil, exécutait docilement les ordres donnés pendant le sommeil. Sa mémoire sur tout le reste demeurait muette. Elle ne savait qu’une chose, c’est que son cher mari l’adorait, qu’il lui en avait donné les preuves les plus convaincantes, et que chaque nuit ramenait la même ivresse.

Or, chaque nuit la poussait un peu plus aux portes du tombeau, et dès que la puissance de son justicier s’était étendue sur elle, elle tombait en un horrible sommeil traversé d’épouvantes, d’angoisses, de désespoirs. Et la matière invisible et impalpable de son être, ce qui constituait son in-

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