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L'ANARCHISTE

— Je pense bien, au moins, que vous n’allez pas me dénoncer ! s’écria-t-il avec une terreur comique. Ce que j’en dis, c’est pour votre bien. Moi, n’est-ce pas, je n’ai rien à perdre… Bien sûr que l’on ne trouverait pas lourd à partager dans mes frusques !…

La Claudie avait repris quelques couleurs, et, grâce à ma protection, on avait bien voulu l’admettre dans un atelier de couture. Jacques, aussi, s’était remis au travail, mais par intermittence, n’ayant de volonté que pour son rêve absurde. Il m’avait pris pour confident et me racontait ses chimères que j’écoutais avec calme, ayant compris l’inutilité de mes indignations. Pas un méchant homme, cet anarchiste, mais un illuminé marchant avec ardeur dans son apothéose, et côtoyant les gouffres sans même les soupçonner. Son ambition eût été de haranguer les foules, de les convaincre, de les consoler, et d’obtenir, par le raisonnement, la soumission des bourgeois. Le rêve ne devenait sanglant que lorsqu’il se voyait dans l’impossibilité de le poursuivre dans l’azur et que les fleurs de la pitié se flétrissaient sous ses désirs impatients.

Il souriait de son mystérieux sourire d’halluciné lorsque j’avais paru approuver des paroles que je n’écoutais plus. Et, pourtant, il était éloquent, d’une éloquence nerveuse, heurtée, avec