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RÉINCARNATION

charmante avec son teint pâle et l’extraordinaire éclat de son regard. Aucune femme ne lui avait jusque-là causé cet involontaire sentiment d’admiration, et pour qu’elle l’eût ressenti, prévenue comme elle l’était contre sa rivale, il fallait que la séduction que cette dernière exerçait, fût, en effet, bien puissante.

Bérengère, surtout sensuelle et volontaire, désirait maintenant Ghislain avec rage. Son amour brutal et égoïste ne devait reculer devant rien. Habilement, avec cette ruse qu’ont toutes les femmes quand la passion les pousse, elle chercha des combinaisons et dressa des plans. Comment vaincre Djalfa, la créature maudite et exécrée qui lui avait pris son fiancé ? Comment reconquérir cette place si ardemment convoitée ?… Elle écrivit au jeune homme, le suppliant de revenir à ses anciens projets, d’abandonner une intrigue indigne de lui, dont il ne pouvait sortir rien de bon. Elle fit appel à sa raison, à son cœur, à sa droiture, et, l’âme emplie de détresse, elle attendit la réponse. Cette réponse ne fut pas ce qu’elle avait osé espérer. Ghislain, sans nier ses torts, leur donnait pour excuse le sentiment triomphant qui l’avait attiré vers une femme capable de l’aimer et de le comprendre. Les sots préjugés du monde n’existaient pas pour lui, et, pour consacrer cet amour, il était prêt à offrir à Djalfa son nom et sa vie.