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RÉINCARNATION

plus penser à rien, de s’endormir avec confiance dans son amour.

Elle ne sortait presque jamais, le monde n’existait plus pour elle, depuis qu’elle avait rencontré le bien-aimé, et compris la raison même de sa vie. Elle lui appartenait, comme la feuille appartient à l’arbre ! Ils se complétaient et se suffisaient. La feuille tombe et meurt détachée de sa tige, Djalfa ne voulait pas se détacher de Ghislain.

Et Bérengére ?… Bérengère avait souffert, maudit et pleuré. Devinant trop tard qu’elle n’avait pas su conquérir le cœur de son fiancé, une haine farouche lui était venue, et, s’attachant d’autant plus, qu’elle était plus méprisée, elle s’était juré de triompher un jour.

Une fille de tête et d’esprit n’est jamais embarrassée ; elle avait pris des renseignements, épié Ghislain, et deviné une partie de la vérité. Quand elle sut que les amoureux s’étaient retirés en Bretagne, elle persuada à ses parents de louer une propriété voisine de la leur, et cachée dans le parc, sans cesse à l’affût, elle surveilla la demeure close de sa rivale. Pendant un mois, elle en vit sortir Djalfa deux fois seulement. Son amant lui donnait le bras, ils marchaient lentement, en se serrant l’un contre l’autre.

Bérengère dut s’avouer que la bohémienne était