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RÉINCARNATION

tence à tel point remplie de tendresse, que le temps de la réflexion ne vint même pas. Ils vécurent dans une sorte d’embrasement, un état presque inconscient d’ineffable félicité.

Derrière les murs noirs de leur retraite, Ghislain avait amoncelé des merveilles. Les tapis soyeux, les étoffes serties de pierreries, les grandes glaces de Venise à fleurs multicolores, les brûle-parfums d’or aux fines ciselures chatoyaient dans un clair obscur de tabernacle. Au fond d’un long couloir éclatait, tout à coup, cette magnificence qui avait quelque chose d’irréel comme un conte des Mille et une Nuits.

Djalfa à demi-nue, voilée seulement d’étoffes diaphanes, douces elles-mêmes comme une caresse, étudiait avec Ghislain les livres mystérieux qu’ils affectionnaient ; puis, montant avec lui à des altitudes inconnues, elle semblait percer l’avenir, flotter en un monde autre, peuplé d’enchantements, délicieusement rose, comme un lever de soleil. Ce n’était plus la même femme. Son instruction était parfaite, maintenant, et son ami se laissait souvent guider par elle à travers le monde chaotique des investigations métaphysiques dont il s’occupait avec ardeur. Mais, un triste pressentiment souvent la faisait pâlir, ses yeux se voilaient de larmes, tout son courage semblait l’abandonner.