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RÉINCARNATION

une jupe de couleur vive, elle allait, conduisant par la bride la maigre haridelle attachée à la roulotte, où grouillaient pêle-mêle, les singes savants, les oiseaux fatidiques et les zingaris dépenaillés.

On n’avait pas pour elle l’affection qui, d’ordinaire, unit tous les membres de la grande famille bohémienne. Un autre sang coulait dans ses veines, et ses lointains souvenirs d’enfant, lui retraçaient une existence de tendresse, dans une royale demeure, où elle errait parmi les fleurs et les meubles soyeux. Mais, il y avait si longtemps, qu’elle n’était pas bien sûre de n’avoir point fait un doux rêve pendant ses haltes dans les prés odorants.

Une admirable créature que cette Djalfa ! Elle avait le teint nacré d’un fin coquillage, le front élevé, le nez mince aux narines mobiles, et ses cheveux de soie pâle lui faisaient comme un bonnet de brocart tissé d’or. Cette tête eût été angélique si deux yeux bruns, larges, profonds, étincelants entre leur double ligne de cils noirs, ne l’eussent animée d’une flamme ardente presque surnaturelle. Un mystérieux sourire errait sur ses lèvres, et l’on devinait sous l’élégance un peu frêle de la taille des nerfs d’une force singulière et d’une exquise sensibilité. Son corps gracile ondulait vers vous plutôt qu’il ne marchait, avec un glissement doux de couleuvre.