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UNE VENGEANCE

le corps sur un piédestal à l’aide d’une armature puissante, et, tel quel, je le rapportai à l’amant inconsolable, persuadé que la vue inopinée de sa maîtresse galvanisée lui serait plus fatale que toute autre expiation. Il souffrirait longtemps, l’amour et la terreur s’uniraient en son âme et, petit à petit, l’horrible cauchemar, l’effroyable vision qu’il n’oserait bannir et contre lesquels il serait trop faible pour lutter, le conduiraient à la mort ou à la folie. Maintenant, Messieurs, jugez-moi. J’ai été cruel et la préméditation ne peut, certes, être écartée de mon cas ; mais j’ai aussi, et pendant deux ans, traîné une bien misérable existence : j’aimais cette femme à ma manière, et ce n’est qu’en la retrouvant en la possession d’un autre que cet amour s’est changé en haine. La haine est aveugle, même lorsqu’elle prémédite ses vengeances ! »

Le défenseur de l’accusé fut éloquent et impressionna vivement le public d’élite que cette cause bizarre avait attiré. Les hommes déclarèrent ce mari justicier fort spirituel et les femmes frissonnèrent délicieusement en contemplant ses larges épaules et ses mains velues.

Pour obéir à la loi, l’avocat général demanda en termes modérés une condamnation qu’il n’attendait guère, et l’on négligea, de part et d’autre, de parler du divorce qui eût si facilement et si