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UNE VENGEANCE

raison m’eût-elle quitté ? Nous nous chérissions comme au premier moment, elle était heureuse et ne désirait rien de plus. Je crois, vois-tu, qu’il l’a attirée dans un guet-apens, enlevée, séquestrée ou peut-être tuée. J’aurais, sans cela, reçu de ses nouvelles d’une manière ou d’une autre…

— Il y a longtemps qu’elle est partie ?

— Six mois : six mois d’effroyables tortures, de plaintes et de larmes.

— Comment est-ce arrivé ?…

— Oh ! d’une manière fort étrange, tu vas voir.

» Nous étions assis dans cette chambre, c’était en mars ; il faisait froid et un grand feu pétillait dans l’âtre. Bérénice, depuis deux jours, me semblait taciturne ; elle si confiante, si sincère, détournait la tête lorsque je l’interrogeais et ne répondait pas à mes questions. Ses regards inquiets erraient au hasard ; l’oreille attentive au moindre bruit, elle tressaillait par moment de tout son corps, une pâleur extrême se répandait sur son visage. Je me tourmentais, et ne parvenais point à pénétrer les motifs de cet état singulier. Elle voulut me faire la lecture, mais sa voix faible s’arrêta tout à coup, sa main tremblante laissa tomber le volume.

— » Tu te fatigues, Bérénice, lui dis-je, ce roman ne t’intéresse pas.

— » C’est vrai, reprit-elle avec vivacité, comme