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UNE VENGEANCE

ne me connaissait que de nom dans le pays, nul ne s’inquiéta de nos antécédents. Les choses ayant été arrangées pour le mieux, je pourrais, me semblait-il, vivre sans crainte, et savourer en liberté ce suprême bonheur que, dans mes visions les plus ambitieuses, je n’aurais osé espérer.

» Nous faisions de longues promenades à cheval, nous dessinions, nous lisions et surtout, oh ! surtout ! nous nous aimions avec la fureur du premier amour. Jamais nos lèvres n’avaient assez de baisers, jamais mes bras n’avaient assez d’étreintes. Je ne comprenais pas que l’on pût se lasser de la possession. Mes désirs renaissaient de leur assouvissance et, lorsque je m’endormais en serrant contre moi ce corps souple qui s’abandonnait, le sommeil continuait l’extase interrompue. Nous vivions dans une communauté parfaite de pensées et de sentiments. Bérénice lisait en moi comme je lisais en elle, et notre seule préoccupation était de prévenir nos souhaits. Jamais le moindre heurt, la moindre dissonnance dans ce duo de deux âmes égales faites pour se com prendre et se chérir. Je crois que la conception de la félicité humaine ne peut aller au delà, et que, lorsqu’une passion est tout pour nous et nous donne la dose de jouissance que nous pouvons ambitionner, nous avons la plénitude du bonheur terrestre. »