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UNE VENGEANCE

Lorsqu’il eut reçu mon serment, il poursuivit :

— Bérénice est morte, vois tu, car, vivante, elle ne resterait point immobile auprès de mon lit, avec sa face rongée et ses paupières vides.

— Mais ce n’est qu’une statue ! m’écriai-je, une statue qui, sans doute, ne ressemble en rien à ta maîtresse. Tu délires, mon pauvre ami !

Georges secoua la tête.

— C’est elle, te dis-je ! Ils l’ont assassinée !… Penses-tu qu’un amour comme le nôtre puisse s’éteindre sans raisons, ainsi que les vulgaires caprices du monde ?… Nous étions liés, l’un à l’autre, par le plus pur, le plus ardent sentiment ; tout ce qui existe, ici-bas, était, pour nous, subordonné à cette tendresse, et je meurs de ne plus la sentir battre des ailes autour de moi comme un oiseau du paradis.

Je pris la main de Georges, et la serrai doucement, ne trouvant pas de paroles assez éloquentes pour apaiser sa peine.

Il continua d’une voix étrange qui passait rapidement d’une indécision tremblante à cette espèce de brièveté énergique, à cette énonciation abrupte sonnant le creux que l’on observe chez les fous ou les fumeurs d’opium.

— Lorsqu’on a goûté ces délices et qu’on en a vécu, on ne peut imaginer qu’il puisse y avoir bonheur et consolation ailleurs. C’est comme le