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L'ANARCHISTE

blait monter du passé, ne me chasse pas ! J’ai tant de regret de ce que j’ai fait !

— Oh ! misérable !

— Oui, misérable !… et cependant, c’était pour toi. Je me croyais gentille encore… je voulais…

— Tais-toi !

— Nous n’avions plus de pain… tu ne pouvais trouver d’ouvrage… Je croyais qu’un patron très riche que j’avais connu jadis…

— Si tu dis un mot de plus, je t’étrangle !

Mais elle ne comprenait pas. Prostituée dès l’enfance, elle n’avait à offrir que son corps, et elle croyait qu’en l’offrant pour obtenir du travail à l’homme chéri entre tous, elle n’avait pas démérité.

— Oh ! en être réduit à vivre de la chair d’une gueuse ! hurla Jacques en se voilant la face de ses mains tremblantes. Dites-moi, Monsieur, ne vaudrait-il pas mieux assassiner sous une porte cochère et détrousser les passants ?…

— Il vaut mieux chercher de l’ouvrage et s’obstiner dans la lutte. Soyez bien persuadé que tous ceux qui sont arrivés aujourd’hui ont eu des commencements difficiles.

— Mais, j’ai toujours lutté ! J’ai fait tous les métiers, et, si je n’ai pu en exercer aucun, c’est que les patrons m’ont trouvé trop faible… ou