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LE CENTENAIRE D'EMMANUEL

miciens qui portent, avec une fausse modestie, ce costume à palmes vertes dessiné par David sous le premier Empire. Les poètes aussi ont apporté leur tribut d’hommages : un enthousiaste panégyrique de mes œuvres, et, tout à coup, plein d’inspiration et de puissance, je me redresse et fends la foule avec une force irrésistible. Je me sens capable de braver toutes les colères, toutes les injures ; je suis transfiguré, invincible ! Mon regard a un tel rayonnement que les immortels se bousculent dans un mouvement involontaire de recul ; le poème inachevé que lisait l’un d’eux roule sur le plancher. Je pousse un cri de triomphe, et, d’une voix retentissante, je dis les vers brûlants qui me montent du cœur aux lèvres ; les rimes d’or coulent comme un fleuve éblouissant, les images heureuses, les visions divines, les accents éperdus, le tonnerre des passions et le murmure des tendresses passent tour à tour dans mes strophes. Jamais, je crois, je n’ai été aussi grand, aussi ému, aussi sincère. Je dis ma jeunesse, mes premiers voyages au pays des étoiles, mes débuts dans l’art de charmer les hommes, mes rêves, mes projets, mes ambitions, mes désespérances : l’âme d’Emmanuel tout entière vibre dans mes accents ; il me semble impossible qu’on la méconnaisse. Je termine sur un vers éclatant comme un appel de clairon où le souffle de l’au