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LE CENTENAIRE D’EMMANUEL

tremblantes, la gorge desséchée ; et, comme dans un songe, j’entends quelques discours à la suite desquels de nombreuses décorations de la Légion d’honneur sont remises aux amis et aux parents d’Emmanuel. Auprès de moi passe ma petite nièce ; elle est très jolie dans sa robe de drap clair, et une grande expression de douceur est répandue sur son visage. Je veux la retenir, mais elle me regarde avec épouvante, un cri expire sur ses lèvres. Je lui fais peur, hélas ! Elle non plus, ne me reconnaît pas ! De toutes les angoisses que j’ai ressenties jusqu’à présent, celle-ci, peut-être, est la plus douloureuse. Une infinie tristesse inonde mon cœur, noie jusqu’aux moindres fibres de mon être, quelques larmes tombent de mes yeux. Quoi ! c’est moi ! moi qu’on acclame ! jamais humain ne fut plus admiré, et je meurs comme un paria !

Maintenant, le cortège se dirige vers le hall où doit s’ouvrir la séance solennelle. Partout des amoncellements de plantes vertes, malgré le froid, de couronnes de lierre et de laurier piquées de fleurs d’or, de cartouches sur lesquels on lit le titre de mes principaux ouvrages. Les personnages officiels montent sur la vaste estrade, le public envahit la salle, et, poussé par le flot, je me trouve dans les premiers rangs. C’est une cohue, un amoncellement humain inouis. Des allocutions très chaleureuses sont prononcées par les acadé-