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LE CENTENAIRE D’EMMANUEL

peut-être reconnaîtras-tu l’enfant que tu berçais doucement sur tes genoux, en chantant comme chantent les mères, d’une voix d’amour et de caresse ! Voici la fenêtre de ma chambre : elle est plus haute, plus étroite que les autres, et je montais sur une chaise pour regarder dans la rue par les beaux jours ensoleillés. Ils ne la connaissaient pas, ces gens qui entrent et qui sortent, sans même jeter un coup d’œil sur le pauvre réduit. La légende veut que ce soit dans la grande pièce du bas que mon enfance se soit écoulée ; mais je sais bien que mes parents trop pauvres la louaient à des étrangers, pour soixante francs par mois, avec les meubles.

La rue se vide : les suburbains vont recevoir à la gare les sociétés savantes des départements et les innombrables sociétés musicales qui doivent prendre part au festival. Le ministre de l’instruction publique déjeune à la préfecture avec les artistes de la Comédie-Française qui ont interprété quelques-unes de mes œuvres. Hier, on célébrait l’homme politique, aujourd’hui on fête le poète, demain on honorera l’homme de famille et l’homme religieux. Deux archevêques parleront en sa faveur. Partout il y a des déjeuners littéraires plantureux, et je n’ai pas un morceau de pain à me mettre sous la dent !… L’hospitalité ici est très large, chaque personnage local a ses con-